11-12 juillet 1916, la dernière offensive allemande est stoppée à Souville

Alors que l’offensive de la Somme a commencé et que la Ve armée du Kronprinz ne dispose plus d’aucune réserve stratégique, Falkenhayn décide de lancer une dernière offensive limitée pour conquérir le dernier point d’appui de la défense française : le fort de Souville. Le 11 juillet à l’aube, après trois jours de préparations d’artillerie, 40 000 hommes soldats allemands, dont l’Alpenkorps, s’élancent à l’assaut sur un front de 4 kilomètres.

Le bombardement allemand a quasiment anéanti le fort qui n’a plus de défense, ni de réseau de barbelés et dont le coffre double est détruit. Depuis avril, le fort, d’importance secondaire dans la RFV, a encaissé plus de 38 000 coups au but de tout calibre dont des obus de 380 et de 420 au cours de la dernière préparation d’artillerie allemande. Par ailleurs, le secteur a été copieusement bombardé avec des obus à gaz, ce qui rend l’atmosphère quasiment irrespirable dans et à l’extérieur du fort. Le secteur est tenu par le 7e régiment d’infanterie (262e brigade d’infanterie), l’un des « Six Grands Vieux » régiments de l’armée française. A 5h du matin, seuls les 2e et 3e bataillons occupent leurs positions de combat. Le 1er bataillon (commandant Vinet) est en marche pour renforcer le dispositif depuis 0h15, suite aux renseignements fournis par un déserteur allemand qui a confirmé le déclenchement d’une offensive d’envergure pour le 11 à l’aube. Pris sous le feu de l’artillerie allemande, le bataillon perd beaucoup de monde notamment en raison des gaz lorsqu’il parvient aux abords du fort. La 3e compagnie, réduite à une soixante d’hommes, dont de nombreux gazés, et dirigée par le lieutenant Dupuy (le capitaine Soucarre gazé lui a cédé le commandement), parvient la première dans l’ouvrage vers 6h du matin. A l’intérieur, il ne reste que quelques survivants gazés de la 10e compagnie du 3e bataillon, sans officier, et la faible garnison composée de territoriaux. Déterminé, Dupuy décide d’organiser la défense de l’ouvrage malgré les maigres moyens dont il dispose. A 9h, le capitaine Decap, adjoint du colonel, reçoit l’ordre de prendre le commandement du fort. Avec seulement une quarantaine d’hommes valides et trois mitrailleuses servies par les territoriaux, il va assurer sa mission avec héroïsme.

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Le 2e bataillon (Chaillot) qui occupe les emplacements (voir croquis ci-dessus) B1 (7e compagnie) et B2 (5e compagnie) encaisse de plein fouet l’attaque de l’infanterie allemande. La ligne de défense est rompue malgré le sacrifice admirable des hommes et de leurs chefs. Pour tenter d’enrailler l’avance ennemie, trois sections de la 11e compagnie (3e bataillon) sont mises à la disposition du commandant Chaillot. Sous les ordres du capitaine Syr, l’attaque est excutée sous un bombardement nourri. Le capitaine Syr est grièvement blessé. Le caporal Laidin entraîne son groupe de combat en hurlant : « Vengeons nos morts ! » avant de tombé tué net. L’aspirant Eychenne est lui aussi mortellement blessé mais parvient à dire à ses hommes qui l’entourent : « Je suis heureux de mourir en montant à l’assaut !« . Il est remplacé par le sergent Salazard qui fait preuve de la plus grande bravoure pour réorganiser sa section sous le feu. La situation devient de plus en plus intenable comme le décrit le JMO du régiment : « Toute la journée à gauche, les éléments du 167e, la section Barillé, la section de mitrailleuses Meyer forment une espèce de boutoir dans notre ligne et restent isolés malgré l’envoi d’une nouvelle section de la 11e compagnie vers 19h. Les pertes deviennent terribles. Seuls le peloton de droite de la 7e compagnie et le groupe Barillé à gauche, celui-ci de plus en plus éprouvé, conservent leurs positions. » Le chef de bataillon prescrit à une  section de la 6e compagnie de se porter entre les 5e et 7e compagnies pour combler la brèche. A 18 heures, les combats d’infanterie cessent pour faire place à l’action de l’artillerie ennemie qui inflige des pertes importantes. Les trois mitrailleuses sont hors d’usage et leurs servants rallient les hommes qui les encadrent pour faire le coup de feu. Dans le secteur du 3e bataillon, la situation est elle aussi précaire. Les 9e et 10e compagnies résistent héroïquement entre les ruines sud-est de Fleury et la Chapelle Sainte-Fine. Elles perdent toutes les deux leurs chefs dans la matinée : les lieutenants Le Hégarat et Viala. A la fin de la journée, la 9e compagnie est réduite à 60 hommes.

The Fort of SOUVILLE, extreme limit of the german advance.

Le 11 juillet au soir, l’assaut allemand a été endigué aux prix de terribles pertes pour le 7e RI. Dans la nuit, le pilonnage reprend avec une violence redoublée. A 3h30, le capitaine Decap est informé par une reconnaissance effectuée par le capitaine Popis du 3e bataillon que les Allemands se sont infiltrés dans le secteur de la Chapelle Sainte-Fine et s’approchent du fort. L’alerte est immédiatement donnée. Les survivants de la 3e compagnie du 1er bataillon installés avec les trois mitrailleuses servies par les territoriaux sont en place sur la superstructure ravagée de l’ouvrage. Néanmoins, vers 5 heures du matin l’intensité du bombardement contraint Decap a ramené une partie de ses hommes à l’intérieur. Une heure plus tard, les premiers fantassins allemands parviennent à atteindre le fort. Les combats à la grenade font rage, mais les Allemands ne sont pas assez nombreux pour submerger les défenseurs qui reçoivent le soutien d’un partie de la 10e compagnie du 3e bataillon, tandis que les mitrailleuses de ce bataillon prennent une part active au combat en fauchant une grande partie des assaillants qui franchissent la crête. Rapidement, la superstructure du fort est sécurisée, 10 Allemands se rendent, tandis que les autres restent à l’abri des fossés ou dans les trous des glacis. Malheureusement pour les défenseurs, à 9 heures, l’artillerie française déclenche un tir de barrage sur l’ouvrage le croyant conquis par l’ennemi, ce qui provoque un repli momentanée des hommes dans le fort. Le lieutenant Dupuy parvient à éviter le pire en demandant par téléphone l’allongeant du tir. Bientôt des renforts en provenance du 25e chasseurs viennent relever les survivants épuisés de la garnison. Le fort de Souville n’est pas tombé, la dernière offensive allemande est un nouvel échec pour Falkenhayn. A l’issue de ces combats, le 7e RI a perdu la moitié de ses hommes et onze officiers ont été tués. Pour son engagement à Verdun du 26 juin au 12 juillet au soir, 492 soldats seront décorés de la Croix de Guerre.

SYLVAIN FERREIRA

Sources

JMO du 7e RI cote 26 N 579/3