24 octobre 1916, 11h40 l’infanterie française attaque

Lorsque le soleil d’automne se lève le 24 octobre au matin, le brouillard recouvre le champ de bataille. La visibilité est limitée à 100 mètres. Mangin consulte le général Passaga, commandant la 133e DI, pour éventuellement reporter l’attaque, mais celui-ci le rassure et à 11h40, alors que l’artillerie française se tait momentanément, les fantassins s’élancent enfin.

Les hommes sont lourdement chargés pour parcourir le terrain totalement bouleversé par l’artillerie. Ils emportent avec eux, en plus de leur équipement habituel, des rations supplémentaires et des outils pour aménager le terrain conquis. Il règne un grand silence dans les rangs et la marche à l’ennemi s’effectue à la boussole. « L’élan superbe » dont parleront les communiqués le soir même n’est semble-t-il que pure propagande.

Infanterie française à l'assaut.

Infanterie française à l’assaut.

L’attaque se déroule en deux phases qui correspondent aux deux lignes d’objectifs fixés par le plan d’engagement de Mangin. Dans le secteur de la 38e DI, les bataillons d’attaque du 11e RI s’emparent des tranchées allemandes de première ligne. La prise de la Carrière est plus difficile et les combats se prolongent à la grenade jusqu’à 17h. Dans le secteur du 8e tirailleurs, les grenadiers viennent facilement à bout des rares mitrailleuses allemandes qui n’ont pas été anéanties par le bombardement. Les prisonniers allemands sont très nombreux. Le 4e zouaves et le 4e régiment mixte colonial atteignent également le premier objectif mais sans rencontrer d’opposition sérieuse. Seul le régiment d’infanterie coloniale du Maroc (RICM) rencontre des difficultés dans sa progression. Les bataillons d’attaque du RICM sont accueillis par de tirs de mitrailleuses. Il faut se battre avec acharnement pour les réduire au silence. A 13h, le premier objectif du régiment est atteint.

Pour les régiments de la 133e DI, « La Gauloise », l’assaut se déroule sans le moindre accroc. La préparation d’artillerie a eu raison de tous points d’appui de la défense allemande. Il ne faut que vingt minutes pour atteindre le premier objectif aux alentours de midi. Dans le secteur de la 74e DI, la progression sur les flancs se déroule elle aussi sans encombre. Au centre, sur la route du fort de Vaux, les hommes du 299e RI sont bloqués devant la tranchée Clausewitz dont le réseau de barbelés est encore intact. Les hommes tombent sous le feu des mitrailleuses. A 11h53, le contre-barrage allemand s’abat sur les unités encore bloqués dans le no man’s land, provoquant des pertes importantes. A 13h40, malgré l’engagement des réserves de la division, la première ligne allemande n’est toujours pas conquise.

Malgré l’échec dans le secteur du 299e RI, la deuxième phase de l’offensive démarre sur toute la ligne de front à 13h40. Les troupes de la première vague demeurent dans les positions conquises et sont dépassés par les bataillons de réserve de chaque régiment. A la 38e DI, les 8e tirailleurs, 4e zouaves et 4e régiment mixte colonial parviennent sans grand difficulté à conquérir la deuxième ligne d’objectifs. A 14h45, les ruines de ce qui était autrefois le village de Douaumont tombe entre les mains du 6e bataillon de zouaves du 4e régiment mixte colonial. Au RICM, le bataillon Croll (1er bataillon) aborde le fort et, constatant le retard du 8e bataillon Nicolaï qui doit s’en emparer, traverse la superstructure du fort pour ne laisser aucun répit aux Allemands. Les coloniaux retrouvent des éléments du 321e RI sur leur droite. Ils sont déjà installés jusqu’à l’observatoire et la tourelle est. Vers 15h, le 8e bataillon, un temps égaré dans le brouillard, pénètrent enfin dans le fort. La résistance allemande bien que déterminée est brisée par les grenadiers et les lances-flammes. Après une demi-heure de combat, le plus célèbre des forts de Verdun est de nouveau entre les mains des Français. Le 8e bataillon a capturé quatre officiers dont le capitaine d’artillerie Prollius qui commandait la garnison d’une vingtaine d’hommes eux aussi capturés.

Les abords du fort de Douaumont.

Les abords du fort de Douaumont.

Dans le secteur de la 133e DI, la conquête de son deuxième objectif est réalisée à 15h30 sans grandes difficultés si ce n’est la résistance opposée par les Allemands au ravin de la Fausse-Côte qui est atteint par le 102e BCP soutenu par une compagnie de Sénagalais. Après une demi-heure de combats, la résistance allemande cède. Pour les fantassins de la 74e DI, la deuxième phase de l’attaque se déroule elle aussi sans enmcombre à l’exception du secteur de la route de Vaux où le 5e bataillon du 299e RI est toujours bloqué à la hauteur de la tranchée de Clausewitz. Le 5e bataillon ne quant à lui déboucher de la tranchée de Seydlitz et le 50e BCP est stoppé par des nids de mitrailleuses installées entre le Petit-Dépôt et la Grande-Carrière. Il faut d’âpres combats jusqu’à 20h pour que le Petit-Dépôt tombe et que les derniers îlots de résistance soient conquis.

Le premier jour de l’offensive conçue par Mangin est donc un franc succès qui sera exploité par la propagande pour effacer les échecs subis par l’armée française en mai et tenter de faire oublier les pertes effroyables consenties pour tenir puis reconquérir les forts perdus. Dès le 25 octobre, l’offensive se poursuit pour exploiter le succès initial.

SYLVAIN FERREIRA

Sources

Les Armées Françaises dans la Grande Guerre, Tome IV, Volume 3

Douaumont, vérité et légende, Alain Denizot

Mourir à Verdun, Pierre Miquel