L’artillerie française s’acharne sur le fort de Douaumont

C’est donc à partir du 21 octobre que la préparation d’artillerie française peut commencer. Le fort de Douaumont fait l’objet de toutes les attentions du haut-commandement français afin de neutraliser ses défenseurs avant de lancer les fantassins à l’assaut. Pour venir à bout de ce formidable ouvrage, Mangin a rassemblé des moyens impressionnants : 1 batterie de 270 (2 pièces), 2 pièces de 280, 1 pièce de 370, 1 batterie de 2 pièces de 400 et des 90 et des 95 tirant des obus toxiques. L’aviation ainsi que des ballons d’observations sont mis à disposition pour évaluer les dégâts opérés par le bombardement.  Le 21 octobre, à partir de 14h45 et jusqu’à 16h15, 48 obus de 400 sont tirés sur le fort mais seuls 20 atteignent leur cible. Chaque obus provoque un bruit terrible qui évoque le passage d’un train express lorsqu’il entame sa descente vers le fort. Le ballon d’observation n°89 ne peut évaluer l’efficacité du tir en raison d’une visibilité encore très réduite.

Le 23 octobre les tirs de la batterie de 400 reprennent. Cette fois, 25 obus sur 45 touchent l’ouvrage et causent des dommages importants. A 12h30, l’un de ces obus traverse les 2,5 mètres de béton, de terre et de maçonnerie qui recouvrent le fort. Il achève sa course dans l’infirmerie du sous-sol… on compte soixante morts. A 12h40, un autre obus détruit la casemate n°8. Puis un autre coup traverse la voûte du couloir principal et explose au sous-sol devant la casemate n°10. Les casemates n°11 et 17 sont à leur tour détruites. Enfin, un obus touche la casemate n°38 et atteint en sous-sol le dépôt du génie, plein de fusées et de munitions de mitrailleuses. Rapidement un incendie se propage contraignant les hommes à porter leur masque à gaz pour ne pas périr asphyxier par les fumées toxiques. On dénombre 59 morts. Le major Rosendahl du Reserve Infanterie Regiment 90 qui commande la garnison est sonné par l’explosion. Pour achever cette description cauchemardesque, alors que toutes les issues du fort sont soumises à un bombardements d’obus à gaz, la lumière s’éteint définitivement à 14h plongeant les Allemands dans l’obscurité totale alors qu’ils luttent contre l’incendie qui crée une gigantesque colonne de fumée noire qui s’élève à plus de 1 000 mètres.

A 16h, constatant que le fort est devenu indéfendable, le Lieutenant-Colonel Schäffer qui commande le RIR 90 ordonne l’évacuation de la garnison. Une centaine d’hommes demeurent à l’intérieur pour tenter de circonscrire l’incendie. Le capitaine Soltau de l’Infanterie Regiment 84 organise la défense du fort avec une poignée d’hommes à moitié intoxiqués tandis que tous les blessés sont évacués. Vers minuit, épuisés et gazés les derniers occupants du fort se retirent à leur tour sous la direction de Soltau faute d’avoir reçu d’autres instructions et ce malgré l’envoi de plusieurs coureurs vers les lignes allemandes.

SYLVAIN FERREIRA

Sources

JMO 1er groupe ALGP cote 26 N 1254/1

Les Armées Françaises dans la Grande Guerre, Tome IV, Volume 3.

Battleground Verdun, Fort Douaumont, Christina Holstein

Douaumont, vérité et légende, Alain Denizot

Mourir à Verdun, Pierre Miquel