2 mars 1916, le capitaine de Gaulle est fait prisonnier à Douaumont

Depuis la chute du fort de Douaumont, la situation sur la ligne de front n’a pas beaucoup évolué pour les Allemands malgré la débauche permanente des feux de leur artillerie qui dominent toujours le champ de bataille malgré l’arrivée, via la Voie Sacrée, des renforts obtenus par le général Pétain depuis sa prise de commandement le 27 février. Depuis le 26 février, les Allemands dont les divisions n’ont toujours pas été relevées, contrairement aux divisions françaises, tentent de prendre le village de Douaumont malgré les pertes qui s’accumulent. Dans la nuit 1er mars au 2 mars 1916, le 33e RI dans lequel sert le capitaine Charles de Gaulle (9e compagnie) relève le 110e RI qui combat sans interruption dans les ruines fumantes du village depuis le 26 février au matin. Le village est sous le feu permanent de l’artillerie allemande mais aussi des mitrailleuses du fort de Douaumont qui flanquent ses positions sur sa gauche.

carte secteur douaumont

Le 2 mars à 6h30, l’artillerie allemande déclenche un puissant bombardement d’artillerie lourde et moyenne. Des obus de 380, 305, et 105 mm achèvent de pulvériser ce qui reste du village de Douaumont. Le bombardement s’étend sur 3 km de profondeur. Les liaisons tant avec l’arrière que les premières lignes sont coupées. Comme le note le JMO du régiment : « tout agent de liaison envoyé est un homme mort. » Le PC régimentaire, installé en retrait du village, n’est donc informé du déroulement des terribles combats de la journée qu’en fin d’après-midi.

L’anéantissement du 3e bataillon

Le bataillon, installé en avant du village, est attaqué dès 13h15 par de nombreuses troupes allemandes qui mènent l’assaut à la fois depuis le nord mais aussi le fort de Douaumont et prennent de flanc le dispositif français. Le 3e bataillon dont les positions ont été ravagées par l’artillerie est donc pris entre deux feux. Les quatre compagnies déployées sur la première ligne tentent de se défendre comme elles peuvent. La 10e compagnie se bat avec l’énergie du désespoir dans ce qui reste de l’église du village qui finit par tomber entre les mains des Allemands. Les survivants étant contraints au repli pour ne pas être capturés par les Allemands qui débouchent également en nombre sur leurs arrières. Pourtant les Français tentent de contre-attaquer comme nous l’indique le JMO :

« C’est alors qu’on vit cette chose magnifique et que contempla avec un sentiment d’admiration et d’épouvante la 4e compagnie toute entière : on vit la 10e cie foncer droit devant elle sur les masses ennemies qui gagnaient le village et se livra à un corps à corps terrible où les coups de baïonnettes et de crosse s’abattaient tout autour de ces braves, jusqu’au moment où ils succombaient sous le nombre et où on les vit tomber submergés. »

Les ruines du village de Douaumont

Les ruines du village de Douaumont

Dans cette mêlée furieuse, un groupe de survivants de la 9e compagnie dirigé par le capitaine de Gaulle parvient à organiser quelques îlots de résistance à droite de la 10e compagnie mais ils sont bientôt encerclés par les Allemands. En voulant rejoindre une de ses sections avec une dizaine d’hommes, il tombe face à face avec l’ennemi. A moitié étourdi par le souffle d’une grenade, il reçoit un coup de baïonnette qui lui traverse la cuisse et s’évanouit. Lorsqu’il se réveille, les Allemands sont en train de panser sa plaie. Pour lui, la guerre est terminée. Il part pour une captivité de 32 mois qui laissera chez lui une blessure morale profonde. Le village de Douaumont tombe entre les mains allemandes mais à 17h45, le général Balfourier, qui commande le secteur, ordonne une contre-attaque par deux bataillons de la 95e brigade qui reprend le village au prix de pertes minimes. Le répit sera de courte durée.

SYLVAIN FERREIRA

Sources :

JMO du 33e RI 26 N 606/1