22 février 1916, les combats du bois des Caures

Après la journée de bombardement infernal de la veille, c’est autour de l’infanterie allemande de donner, massivement cette fois, pour s’emparer des positions françaises et notamment du bois des Caures pour crever le front français. A 7h, le bombardement lent et continu de la nuit cède la place à un nouveau déchaînement de fureur encore plus intense que la veille. 

Secteur du bois des Caures.

Secteur du bois des Caures.

Dès 5h du matin, des éléments de la 7e compagnie du 59e BCP tentent de contre-attaquer à la grenade la tranchée S9 mais ils sont pris en enfilade par une mitrailleuse allemande. A 7h, le feu terrifiant de l’artillerie allemande fait disparaître les derniers vestiges du réseau de défense des chasseurs de Driant. A partir de midi, les fantassins allemands des IR* Nr. 115 et 117 de la 25. Infanterie Division s’élancent à l’assaut de ce qui reste des positions françaises en partant de la cote 330. Ils sont soutenus par des éléments de l’IR Nr. 87 (21. Infanterie Division) sur leur droite. Les Français tirent des fusées rouges pour déclencher un barrage d’artillerie mais rien ne se passe. Les batteries françaises ont été anéanties par le feu allemand.

L'infanterie allemande attaque.

L’infanterie allemande attaque.

Formés sur trois colonnes les Allemands abordent les lignes R3/R4, l’intervalle entre R2 et R3 et la dernière sur S’9/S9 pour prendre le sous-secteur à revers. Les deux premières colonnes sont stoppées par les tirs de flanquement des mitrailleuses françaises et des chasseurs. Les Allemands utilisent les trous d’obus pour tenter de progresser par bonds. Devant R1/R2 les lance-flammes rentrent en action pour réduire les barbelés encore debout.

Lance-flamme

Lance-flammes allemand en action dans un boyau.

A partir de 13h, plusieurs éléments allemands prennent pied dans la ligne R faute de défenseurs et commencent à prendre à revers les groupes de chasseurs isolés qui poursuivent le combat avec l’énergie du désespoir et tentent même parfois de contre-attaquer. Les chasseurs sont soutenus dans leurs efforts désespérés par leurs camarades de la 2e compagnie du 165e RI. On se bat au corps-à-corps, à coups de pelle, de crosse, à la baïonette. Néanmoins, le poids du nombre des assaillants finit par avoir raison des ilôts de résistance français et plusieurs éléments allemands s’infiltrent sur la route de Ville. Heureusement, une mitrailleuse française réussit à les stopper. Une section composée d’agents de liaison, de sapeurs et de téléphonistes aux ordres du sous-lieutenant Leroy vient renforcer les mitrailleurs. A 15h15, les munitions viennent à manquer et les mitrailleuses françaises doivent se replier. A 15h30, la ligne R est abandonnée. Le lieutenant-colonel Driant donne l’ordre du repli général pour les rares survivants (environ 80 chasseurs) couvert par les fantassins du 165e RI aux ordres du capitaine Véry. Le bois des Caures est aux mains des Allemands.

La fin de Driant

A 15h45, alors que les chasseurs se dirigent individuellement vers le village de Beaumont en utilisant le couvert offert par les trous d’obus, le lieutenant-colonel Driant et le commandant Renouard sont aperçus pour la dernière fois. Driant est tué peu de temps après d’une balle en pleine tête alors qu’il soignait un de ses hommes. Le sergent d’Hacquin du 59e BCP, témoin de la scène raconte :

« Je venais de me laisser tomber dans un trou d’obus lorsqu’un sergent qui accompagnait le colonel Driant et le précédait d’un pas ou deux se laissa tomber dans le même trou que moi (…). Après l’avoir vu sauter dans le trou, j’ai vu nettement le colonel Driant sur le rebord du même trou d’obus faire le geste d’étendre les bras en disant : « Oh ! Là, mon Dieu ! », puis faire demi-tour sur lui-même et s’affaisser en arrière, face au bois. De l’intérieur de notre trou, son corps allongé ne nous était plus visible à cause des terres rejetées tout autour. Comprenant que le colonel venait d’être blessé, nous nous efforçâmes aussitôt (…) de dégager à l’aide de nos mains la terre qui nous masquait le colonel. Nous voulions le prendre sans sortir du trou d’obus et le déposer près de nous. Dès que qu’une ouverture fut suffisante, nous avons pu voir le colonel. Il ne donnait plus signe de vie, le sang lui coulait d’une blessure à la tête et sortait aussi par la bouche. Il avait le teint d’un mort et ses yeux étaient à demi-fermés. A ce moment, il pouvait être environ 16h30. »

Comme l’écrira Malcolm Brown, « la bataille a son premier héros ». Le sacrifice des chasseurs mais aussi de tous les autres régiments de la 72e DI qui tiennent le secteur a retardé l’exécution du plan allemand de quatre heures, ce qui permet à d’autres renforts de monter en ligne. Le bois des Caures est tombé mais déjà, l’avance allemande qui devait être une promenade l’arme à la bretelle est ralentie.

SYLVAIN FERREIRA

*Notes :

IR = Infanterie Regiment

Sources :

JMO du 56e BCP, 26 N 830/1

JMO du 59e BCP, 26 N 832/2

Mourir à Verdun, Pierre Miquel

Verdun, Paul Jankowski

Verdun 1916, Malcolm Brown

Tranchées, hors-série n°7